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Festival de Laon – Sur le chemin accidenté du souvenir
lundi 16 octobre 2017 à 22h35
Pour son oratorio Le Front de l’aube, destiné à un baryton solo, un orchestre et un chœur d’enfants – commande pour la cathédrale du Festival de Laon associé au département de l’Aisne, reprise le lendemain à Saint-Quentin et le jour suivant à Soissons –, Édith Canat de Chizy avait évité l’écueil d’une partition sur-dramatisée par rapport au livret de Maryline Desbiolles. Le Centenaire de l’offensive du Chemin des Dames, où périrent près de 29 000 soldats français, à une trentaine de kilomètres de Laon, a inspiré à la romancière un long poème de près de trois cents vers, réduit de moitié par la compositrice, et distribué à la fois au chanteur et récitant Vincent Bouchot et à un chœur féminin lyonnais issu de Spirito, dirigé par Nicole Corti. La quarantaine de musiciens de l’Ensemble orchestral de la Cité dirigé par Adrien Perruchon regroupait à parts égales musiciens enseignants des conservatoires de l’Aisne et membres des Siècles – formation en résidence dans le département de l’Aisne et artistes associés à la Cité de la musique de Soissons. En amont de la création, les Éditions des cendres publiaient opportunément un ouvrage reprenant le texte intégral accompagné de photographies du Chemin des Dames par Jean-Pierre Gilson. Redoutable gageure que d’écrire un siècle après Apollinaire, Aragon, Dabit, Giono et Zinoview qui ont tous vécu de près les épisodes meurtriers de 1914, 1917 et 1918 : la puissance des mots est bien là, mais la construction s’appuyant sur des phrases volontairement sans relief, plates et neutres, sonne faux. Il manque trop souvent les contrastes du photographe : le registre profond du noir et blanc qui porte à la réflexion devient dans la voix, proférée ou chantée, une parole bien lourde. La musique, elle, parvient à créer cette tension grâce à de longues tenues où s’enroule la percussion, tissée dans le souffle de l’accordéon, les cuivres ulcérés et le mouvement des cordes qui respirent à l’unisson. Le baryton Vincent Bouchot trouve la parade en modifiant sa voix, passant du grave à l’extrême aigu, tout en variant le rythme. Avec le chœur de femmes en écho, l’œuvre atteint néanmoins une certaine ampleur mais l’ambiguïté du texte persiste, d’autant plus que la création est précédée de la version orchestrale de l’Adagio de Barber : un prologue néoromantique malvenu avant l’œuvre de Canat de Chizy, même si le chef en atténue au maximum les effluves lacrymales. La fougueuse et militaire Sixième Symphonie de Schubert, interprétée en début de programme, était un bien meilleur choix.  
Franck Mallet

Vendredi 13 octobre, Cathédrale, Laon. (Photo : de gauche à droite : Vincent Bouchot, Édith Canat de Chizy et Adrien Perruchon ; crédit©Michel Debeusscher)

 

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